Le nez de Cyrano a encore frappé. Son ombre s’est tellement étendue qu’elle a caché que Bergerac est d’abord un grand vignoble. Et depuis longtemps exportateur : dès le XIII° siècle, les barriques descendaient la Dordogne sur des gabares jusqu’à Bordeaux, avant de s’embarquer pour l’Angleterre.
Entre les invasions – guerrières ou économiques – des Arabes, des Normands, des Anglais et même des Bordelais qui, jaloux, limitaient la circulation de leurs vins, les Périgourdins en ont vu de toutes les couleurs.
Aussi leurs vins en ont-ils gardé quelque chose. Ils sont blanc très pale, ou jaune bouton d’or, rosé oeil-de-perdrix ou grenadine, rouge sang ou rubis clair. Ils sont secs, moelleux, pétillants…
Tout cela correspond à des appellations contrôlées bien différentes. A côté d’un nom prestigieux comme monbazillac, on trouve des petits vins moelleux totalement inconnus comme rosette, saussignac, côtes-de-montravel…
Leurs prix sont aussi doux que l’impression qu’ils laissent au palais. Sous le nom de bergerac et de montravel, on fait, à peu prés au même prix, des blancs secs, vifs et parfumés. Ils conviennent aussi bien que l’habituel muscadet sur les fruits de mer et les poissons.
Enfin, les rouges, bergerac, c6tes-de-bergerac et pécharmant peuvent rivaliser avec les bons petits bordeaux et même les pas si petits que ça. Cousins germains, ils utilisent beaucoup le merlot, cépage roi de Saint-Emilion et de pomerol, qui donne des tanins très ronds et très élégants, avec des cabernets sauvignons et francs qui amènent des notes plus dures et favorisent la garde.
Bref, Bergerac, c’est un bon filon pour les amateurs qui ont du nez.
Adresse ;
Pécharmant : Bruno de Corbiac, Château Corbiac
Emile Lyon, in Le Nouvel Observateur, 28 septembre 1984