|
|
Un château dans le
Pécharmant : Corbiac
La grande demeure se laissait
transformer en silence.
Il lui fallait dire adieu à ses "
chiens assis ", que le XIX°
siècle lui avait imposés.
Mais elle se refaisait une beauté.
Sa magnifique corniche retrouvait sa
splendeur architecturale.
Et puis, ses atours lui allaient si bien.
Surtout en ce printemps, à l'heure
où fleurissaient les marronniers
roses, les lilas pourpres, où sa
pelouse, impeccablement entretenue,
reverdissait.
C'était vrai que Corbiac retrouvait
une nouvelle jeunesse.
" Elle en avait besoin " , me confirma
son heureuse propriétaire.
Ah, Madame de Corbiac, si la France
entière possédait seulement la
moitié de votre enthousiasme, quel
grand pays nous bâtirions.
Mais parlons de votre vin. Le
Pécharmant.
Signalons d'abord la nature du sol qui
est particulière à ce coin du
Bergeracois. Il est constitué de
matériaux divers issus de la
transformation de roches granitiques du
Massif central, il a subi un lessivage
superficiel qui a entraîné
l'argile et le fer en profondeur pour
former la couche imperméable
dénommée , " tran ", qui
contribue à donner au
Pécharmant ce goût de terroir
incomparable.
Ajoutons encore que Pécharmant vient
de Pech-Charmant, qui signifie sommet
charmant.
Ce château de Corbiac admire depuis
presque cinq siècles les
rangées de vignes qui grandirent
sous ses fenêtres et ont toujours
porté son nom.
Au XVIII° siècle, des livres de
comptes attestent du soin qu'apportaient
les propriétaires à leur
surveillance de leurs vignes.
Au début du XX° siècle, le
château commandait un des plus beaux
domaines de l'arrondissement de
Bergerac.
Et c'est dans l'esprit de cette
période de grande
prospérité que travaille,
aujourd'hui, la famille de Corbiac.
Les vendanges s'effectuent encore à
la main, un tombereau circule dans les
rangs de vigne et reçoit des grains
intacts, non éclatés.
Les vendangeurs déjeunent ensemble,
dans une salle qui n'a pas changé.
Et pour le dernier repas des vendanges,
ils s'endimanchent, entendez par là
qu'ils mettent leurs beaux habits et
fêtent la fin d'une saison bien
remplie.
Madame de Corbiac se souvient encore de
la " gerbe beau ", qui lui fut offerte
à cette occasion-là. Elle me
décrivit avec émotion
l'énorme bouquet de dahlias
piqué sur un fond de ces fleurs
rustiques nommés les " vendangeuses
".
Nous étions assises dans la salle
commune de son château ; la porte
double, qui donnait sur la terrasse,
ouvrait ses larges battants ; il se mit
à pleuvoir et la terre sèche si
rapidement mouillée se mit à
exhaler une odeur presque enivrante.
N'allez pas croire que nous
dégustions à grosses
gorgées le Pécharmant de Madame
de Corbiac. Non, ce jour-là, nous
sommes restées sobres.
Elle me parla aussi de ses enfants,
encore jeunes, mais déjà
impatients d'un avenir qui
s'annonçait pourtant laborieux.
Les conseils qu'elle me donna pour boire
et apprécier son vin, je m'en
souviens encore.
" N'oubliez pas que le vin est un produit
vivant, vous devez respecter des
règles pour en découvrir les
qualités. Il doit se reposer,
bouteille couchée,15 à 20 jours
après un déplacement. Avant de
le déguster, faites-le chambrer
dès la veille. Débouchez la
bouteille deux à trois heures avant
le repas. Servez le vin dans des verres
tulipes pour mettre en valeur sa robe et
son bouquet. Les vinaigrettes, fruits de
mers et desserts sont à proscrire
quand on boit un Pécharmant. "
Merci, Madame, pour vos précieuses
recommandations. Depuis que je sais tout
cela, je puis bien vous l'avouer, je le
trouve excellent, votre vin !
in Périgord Magazine, n°
hors série, 1984
|
|
|
|