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Vins du
Périgord
Le vignoble du Périgord est
situé pour l'essentiel, autour de la
ville de Bergerac dans le sud du
département de la Dordogne, le long
de la rivière du même nom. II
prolonge vers l'est le Libournais, et
donc les vignobles de Saint-Emilion et de
Pomerol. Les cépages utilisés
dans le Périgord sont tous sans
exception, pour les vins rouges comme
pour les blancs, pour les secs comme pour
les liquoreux, les cépages du
Bordelais. Pourtant, les vins du
Bergeraçois ne ressemblent
guère aux vins de Bordeaux : secs,
ils sont plus ronds ; doux, ils sont plus
légers. Ils tiennent une place bien
à eux dans la fantastique
diversité de notre patrimoine
viticole et gagnent à être
mieux connus.
Cet été, le Conseil
interprofessionnel des vins de la
région de Bergerac a fait
paraître une publicité où
l'on pouvait voir représenté le
château de Beynac, à
côté de trois verres contenant
des vins de couleur différente, sous
le slogan " notre nature a du talent ".
Plus bas, un encadré résumait
l'intérêt touristique du
Périgord avant d'énumérer
les vins du Bergeraçois, qui ne
compte pas moins de douze appellations
contrôlées : bergerac sec,
montravel, côtes-de-bergerac
moelleux, saussignac, haut-montravel,
côtes-de-montravel, rosette,
monbazillac, bergerac rouge, bergerac
rosé, côtes-de-bergerac rouge,
pécharmant. Douze appellations pour
cette région viticole, c'est
beaucoup plus que ce que le consommateur
français ou étranger ne peut ou
ne veut retenir ; toutefois, il est assez
facile de les regrouper en quatre
ensembles, par genre plutôt que par
appellation.
Le premier groupe comprend les vins
blancs secs, le montravel (le vin de
Montaigne) étant
généralement supérieur au
bergerac sec. Le second groupe concerne
les vins moelleux. Vient ensuite le
monbazillac, qui est un vin liquoreux
(c'est-à-dire qu'il provient - ou
devrait provenir - de raisins atteints de
" pourriture noble " et
récoltés par tries
successives). Le dernier groupe concerne
le vin rosé et les vins rouges. Le
meilleur des vins rouges est le
pécharmant.
Historiquement, le vignoble de Bergerac
s'est développé en raison du "
droit de descente " dont ont
bénéficié ses vins depuis
le moyen-âge jusqu'à la fin de
l'ancien régime, moment où le
commerce des vins a été
libéralisé. A la
différence des autres vins du
Sud-Ouest, " bloqués " par les
privilèges dont disposaient les
villes du Bordelais, les vins de Bergerac
ont pu en effet s'exporter sans trop de
mal par les ports de Libourne et de
Sainte-Foy. Le vignoble bordant la
Dordogne, le transport en était
grandement facilité. Amsterdam
était la principale destination. II
est d'ailleurs possible que le
développement du commerce des vins
de Bergerac soit la seule
conséquence positive de la funeste
révocation de l'Edit de Nantes car
les Huguenots réfugiés en
Hollande ont beaucoup fait pour la
promotion des vins de leur province
d'origine (Bergerac a été une
ville protestante jusqu'en 1700).
Aujourd'hui encore, la Hollande demeure,
avec la Belgique, un consommateur
important.
Le vingtième siècle a
été moins favorable aux vins de
Bergerac.
Ce fut d'abord la crise
phylloxérique qui a gravement
frappé cette région de petits
propriétaires disposant de peu de
moyens. Plus récemment la
désaffection du public pour les vins
moelleux dont le Bergeraçois
était un gros producteur, a
provoqué un effondrement du
marché.
Ces épreuves successives ont eu des
conséquences d'autant plus
négatives sur la qualité des
vins qu'il s'agit d'une région de
polyculture : maïs, tabac,
tournesol, productions
maraîchères, élevages...
La vigne vient par surcroît, et n'a
pas l'importance qu'elle revêt dans
d'autres régions viticoles. Ce
contexte favorise aussi une certaine
rusticité des méthodes de
vinification. Par ailleurs, la demande
importante en vins moelleux avait
entraîné des abus : on faisait
des vins avec du sucre et avec du souffre
; le retournement du marché est donc
venu s'ajouter à un certain
discrédit de l'appellation. Fort
heureusement un effort de redressement a
été entrepris, et on peut
déjà en apprécier les
premiers effets. Le développement de
coopératives performantes permet la
diffusion d'un meilleur savoir-faire
oenologique. Ceux des vignerons
classiques qui ont toujours bien fait
commencent à faire parler d'eux, et
ils sont rejoints par des jeunes
enthousiastes qui appliquent des
méthodes de vinification semblables
à celles en vigueur dans le
Bordelais, surtout pour ce qui concerne
les vins blancs, secs et liquoreux. C'est
donc le moment de s'intéresser
à ces appellations qui remontent la
pente. Les prix sont bas, et favorisent
un accès facile à des vins
presque toujours agréables et
parfois de grande qualité.
Vins rouges
II y a quelques bons bergeracs, mais ils
ont du mal à rivaliser avec les
pécharmants. Les vignobles de
Pécharmant sont localisés sur
la rive droite de la Dordogne, sur des
coteaux exposés au sud, autour de
Bergerac. Le sol est formé de sables
et graviers du Périgord, mais c'est
son sous-sol, où prédominent
l'argile et le fer, qui donne au
pécharmant sa saveur
particulière...
Le Château Corbiac -
Pécharmant, est le meilleur de vins
rouges de cette région. Il est fin
et complexe tout en étant
généreux. Par sa puissance et
ses notes épicées, il n'est pas
sans rappeler - assez curieusement -
certains châteauneuf-du-pape.
...
Laurens Delpech, in Ena mensuel,
janvier 1993
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